Un père de trop.

Avec Un putain de salopard, Régis Loisel et Olivier Pont entraîne le lecteur en pleine forêt amazonienne, dans une aventure rocambolesque et palpitante aux côtés d’un héros naïf parti à la recherche de son père.

Ce qui devait être une simple quête va vite tourner au cauchemar… Un début de série très prometteur !

Après la mort de sa mère, Max découvre deux photos presque identiques où on le voit enfant avec sa mère, mais chacune avec un homme différent. Lequel est son père ? Bien décidé à faire la lumière sur ses origines, il débarque à l’aéroport de Kalimboantao, un petit village au fin fond du Brésil. Un peu perdu dans cet univers hostile, il est aidé par trois infirmières venues prendre la relève dans un dispensaire.

Si le récit débute doucement comme un film d’aventures léger, le rythme et la tension s’accélèrent et la comédie prend des allures de thriller. Les personnages attachants, hauts en couleur nous entraînent rapidement dans leurs péripéties pimentées d’amour et d’humour avec des dialogues percutants.

Olivier Pont (le dessinateur du magnifique Où le regard ne porte pas…) nous transporte totalement dans cette contrée à la fois attirante et dangereuse. Son dessin vivant, chaleureux, plein de sensualité débordante, colle parfaitement à cet univers.

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Petite voleuse deviendra grande.

Lilya, apprentie dans la Guilde des Voleurs, rêve d’accomplir enfin une vraie mission. Voro, trilogie jeunesse du finnois Jane Kukkonen, plonge le lecteur dans un riche univers médiéval-fantastique. Cette série immersive, dynamique et pleine de rebondissements démarre tambour battant !

Lylya, une orpheline courageuse, au fort caractère, et qui n’a pas sa langue dans sa poche, est cantonnée par le maître de la Guilde, parce que fille, à des tâches indignes de ses grands talents. Pour prouver ses compétences, elle lui dérobe un parchemin de Mission, et se lance, seule, sans autorisation, à la recherche de reliques très précieuses. Commence alors un enchaînement de péripéties qui vont la plonger dans une aventure démesurée !

La narration happe immédiatement sur les pas de cette jeune voleuse déterminée et complètement inconsciente des dangers qu’elle affronte. Dessin au trait rond et aux ambiances chaleureuses, très dynamique et d’une grande lisibilité, mélange explosif d’action, d’aventure, de rebondissements relèvés d’humour : on comprend aisément pourquoi cette série a été récompensée du prix du meilleur album 2017 en Finlande.

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Les jolies colonies de vacances, merci maman !...

Pas facile pour Véra, jeune immigrée russe aux États-Unis, de s’intégrer à son nouveau pays. Et si un camp dans les bois lui permettait de se faire de vraies amies ?
Avec Un été d’enfer, Vera Brosgol signe un portrait d’enfance à la fois tendre, savoureux et touchant qui sent le vécu.

Venue de Russie avec sa mère, son frère et sa petite sœur, Vera, 9 ans, peine à se sentir comme les autres petites américaines de son âge. Elle fait tout pour leur ressembler, pourtant elle sent bien le décalage. Lassée de passer pour l’étrangère issue d’une famille monoparentale pauvre, elle décide de ne pas être la seule cette année à ne pas partir dans une colonie de vacances. Elle convainc sa mère de l’envoyer dans un camp réservé aux enfants russes où elle serait enfin comme les autres et pourrait nouer de solides amitiés...

Mais ce n’est pas si simple, évidemment ! Et la déception est rapide. Vera se retrouve aussi isolée que d’habitude, fait l’expérience de la discipline, des brimades, de la jalousie, du rejet, mais aussi de l’amitié, de la solidarité et de la complexité des relations humaines. Vera Brosgol campe avec justesse les ressentis d’une héroïne sympathique, curieuse, déterminée, et montre combien il est difficile de trouver sa place dans un groupe.

S'appuyant sur un dessin tout en rondeur très expressif, cette histoire douce-amère alterne humour, légèreté, gravité et réconfortera tous les enfants un peu solitaires, différents et déracinés… 

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Indomptable femme courage.

Phoolan Devi, c’est le destin d’une rebelle, d’une hors-la-loi justicière qui a marqué l’Inde dans les années 80. S’inspirant librement de l’autobiographie Moi, Phoolan Devi, reine des bandits, Claire Fauvel, la lauréate du prix jeunesse d'Angoulême 2018 pour La guerre de Catherine, livre un roman graphique au souffle romanesque, tout en dévoilant les inégalités criantes et les coutumes barbares de l’Inde.

Phoolan Devi est née en 1963 au nord de l’Inde dans la caste la plus basse, celle des shudras, les serviteurs.Toute sa jeunesse elle sera confrontée à la violence et l’injustice. Mariée de force à 11 ans à un homme de 33 ans dont elle devient l’esclave, battue, violée, Phoolan découvre que le monde violent qui l’entoure n’est pas fait pour les femmes et qu’elle doit résister. Dès lors, sa vie devient un combat incessant. Enlevée par une bande de bandits, elle en deviendra la chef et se vengera de ses anciens tortionnaires avant de se rendre à la justice de son pays. Après de longues années de prison elle finira au parlement indien, où elle n’aura de cesse de défendre le droit des opprimés.

Claire Fauvel raconte de manière très vivante la vie de cette femme fascinante qui refusa de se soumettre au bon vouloir des hommes. Son récit sans concession, violent, âpre et révoltant, nous plonge avec force dans cette société indienne très hiérarchisée et corrompue et évoque, en filigrane, la difficile condition des femmes.

Avec un trait rond et fin, un dessin à la fois rude et sombre qui met bien en valeur les moments de tensions ou les moments plus doux, elle rend un hommage poignant à une femme libre au destin unique.

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Quand l'art rime avec folie.

Après le superbe Serena, Anne-Caroline Pandolofo & Terkel Risjberg, retracent le destin de six personnes sans talent particulier, mises au ban de la société et devenus, du jour au lendemain, des artistes qui ont laissé une œuvre fascinante.
Enferme-moi si tu peux, un magnifique hommage à l'art brut, à la liberté de création et à la différence.

Ils sont six. Six à venir tour à tour s’asseoir sur un tabouret pour se raconter : Augustin Lesage, Madge Gill, le Facteur Cheval, Aloïse Corbaz, Marjan Gruzewski, Judith Scott. Internés, exclus de la société, ou simplement femmes, sans culture, ni formation artistique, dénués de toute démarche intellectuelle, poussés par une voix ou par leur esprit, ils vont puiser dans leur monde intérieur et réaliser des œuvres aussi atypiques qu’incroyables. Tous rencontreront une personne qui les poussera à développer leur talent divers et varié : sculpture, peinture, tissus... Ils seront associés à l'Art Brut.

Dans cet album à quatre mains, Anne-Caroline Pandolfo et Terkel Risjberg magnifient ces marginaux, ces personnes profondément libres. Ils nous donnent envie d'aller plus loin. Le scénario se déroule de manière fluide et habile, sans rupture entre les portraits en les faisant se rencontrer et discuter, alors qu’ils ne sont pas tous contemporains.

Les planches inventives, la mise en couleurs un peu passée et le trait toujours aussi élégant, tendre et poétique de Terkel Risjberg, sont au diapason de l'univers de chacun.

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Une femme exrtraordinaire

une femme fantastiqueOurs d'argent à Berlin, Une femme fantastique, sixième film du réalisateur chilien Sebastian Lelio, relate  le combat d'une femme transgenre pour reconquérir sa dignité et faire le deuil de son compagnon.

Marina vit en couple avec Orlando de vingt ans son aîné. Lorsqu’Orlando meurt brusquement d'une crise cardiaque, la veuve officielle reprend les rennes du pouvoir pour venger son affront et organiser les funérailles. Alors que  la famille du défunt la rejette brutalement et l'humilie, lui confisquant toute existence, Marina n'a d'autre choix que de lutter pour faire valoir ses droits et affronter l'enquête policière sur les circonstances du décès.

Sebastian Lelio brosse le  subtil portrait d'une femme "extraordinaire" qui balance entre deux identités, entre la perte et la renaissance, entre la violence des uns et le réconfort des autres. Magistralement interprétée par l'actrice chilienne Daniela Vega, forte et douce à la fois, Marina avance avec détermination opposant la beauté de l'art à l’obscénité du regard des autres. Un film pudique, parfois mystérieux et bouleversant que souligne une musique envoutante.