LA DAME BLANCHE
Infirmière dans une maison de retraite, Estelle s’investit beaucoup trop. Chaque jour qui passe donne l’impression qu’elle perd pied avec la réalité.

Avec La Dame blanche, Quentin Zuttion rend un hommage tout en justesse et en sensibilité à nos aînés que l’on oublie un peu trop vite, et aux soignants qui les accompagnent jusqu’au bout de leurs vies.

Depuis dix ans, Estelle, dévouée et empathique, accompagne les résidents de la maison de retraite Les coquelicots. Elle écoute, console, embrasse, tisse des liens, lave, nourrit, apaise, accompagne… et s’attache inévitablement. Lorsque l’un d’entre eux rend son dernier souffle, c’est à chaque fois un nouveau coup dur et de plus en plus difficile à vivre. Une douleur qui finit par empiéter sur sa vie privée...

La douceur et l'attention sont au cœur de cet album qui montre sans artifice, sans fausse complaisance ce qui fait la vieillesse. On rentre dans l'intimité des personnes âgées, on y découvre leurs histoires, leurs rêves et leurs désillusions.

La sensibilité de l’auteur fait mouche avec son trait élégant plein de tendresse et de douceur pour ses personnages, avec ses superbes illustrations dominées par un bleu-gris un peu passé rehaussé par de rares touches de couleurs vives, un rougeoiement de cigarette, des fleurs éclatantes... Il ne cherche jamais à embellir ni à cacher les corps qui s’affaissent, les visages ridées, les taches de vieillesse.

Une évocation poétique et réaliste. C'est beau, c'est touchant.

 

Voir une planche, ou celle-ci

Deux albums sur le même sujet avaient marqué l’année 2021 : Ne m’oublie pas d’Alix Garin et Le plongeon de Vidal et Pinel

Donbass

Donbass, Sergeï Loznitsa (real), 2018

A l'Est de l'Ukraine, dans la région du Donbass, séparatistes pro-russes et nationalistes ukrainiens s'affrontent depuis 2014 : en 13 séquences apparaissent différentes facettes du quotidien de la guerre.

Fonctionnement des institutions étatiques et séparatistes, visite guidée d'un abri de fortune, checkpoints, relations entre combattants, civils, journalistes... Dans un registre proche du documentaire, où la tension omniprésente laisse parfois place à l'humour voire au grotesque, ce film constitue une immersion sidérante dans le conflit.

A l'issue du film, les tenants et aboutissants du conflits restent certes obscurs pour les non-connaisseurs ; en revanche, la gamme des comportements humains déployés, individuels et collectifs, met en lumière la fragilité des Etats de droit et des contextes pacifiés. 

 

LES ETOILES S ETEIGNENT BDLes étoiles s’éteignent à l’aube, une histoire bouleversante de transmission et de pardon.

Sentant son heure venue, un père amérindien insiste auprès de son fils pour qu’il l’accompagne en haut d’une montagne sacrée afin d’y mourir et d’y être enterré selon les rites des guerriers Ojibwés.

Dans ce roman graphique adapté du roman éponyme de l’écrivain canadien ojibwé Richard Wagamese, on est saisi autant par la beauté âpre du récit que par celle des images. Vincent Turhan a su préserver tout l’esprit de ce magnifique roman.

 

Franklin, 16 ans, a été élevé par un père d’adoption, un vieil homme qui lui a appris à tenir une ferme. Son enfance est ponctuée par les rares apparitions de son père, Eldon, un homme rongé par les remords qui noie sa douleur dans la boisson. Mourant, Eldon lui demande de le suivre pour son dernier voyage. Ce rude périple au cœur de la nature sauvage de la Colombie britannique sera l’occasion de leur rapprochement, de la découverte du lourd passé du père et de la souffrance du fils en mal de famille. L’apaisement viendra au bout du voyage.

Les Étoiles s’éteignent à l’aube, paru en 2016, est un grand roman intense sur la relation père-fils, le pardon, l’identité. C’est si beau, que les larmes ne sont jamais loin.
L’émotion est ici intacte. Le dessin aux couleurs nuancées, à la craie et aux crayons gras, est somptueux et tout en douceur, à commencer par la splendide couverture. Vincent Turhan multiple les scènes panoramiques muettes où les personnages ne sont que des silhouettes en bas des cases, des fourmis face à l’immensité de paysages. Parfois, pas besoin de paroles, tout passe par l’image et les regards.

Une totale réussite !

Voir une planche

En 1970, à New York, Alma Guillermoprieto, d’origine mexicaine, suit les cours de danse contemporaine de Merce Cunningham. Quand celui-ci lui parle d’un poste de professeur à l’École nationale des Arts La Havane, son monde s’effondre : la jeune danseuse rêvait d’intégrer sa compagnie. Alma part résignée, cherchant dans l’aventure une façon de faire le deuil de sa carrière artistique. Elle a alors 20 ans.

LastWordsLast Words, Jonathan Nossiter (real.), 2020.

Nous sommes en 2086 : la vie sur Terre est quasi-éteinte, après une série de catastrophes sur fond de désastre écologique. La situation est apocalyptique et pourtant la lumière est belle.

Le dernier humain vivant raconte son histoire, son passé, le cheminement qui l'a amené à être celui après lequel il n'y a plus d'histoire à raconter.

Avant cela et alors qu'il était un jeune homme en errance, le personnage principal a rencontré un homme âgé réfugié à la cinémathèque de Bologne.

De cette rencontre naissent les dernières images du monde et, avant elles, d'ultimes moments de joie partagés avec d'autres humains qui forment un dernier campement dans ce qui fut Athènes.

 

JOURS DE SABLE
Aimée de Jongh, lauréate du prix des libraires de BD 2022.

Jours de sable est le récit initiatique touchant d’un jeune photographe chargé de ramener des témoignages d'une région touchée par de violentes tempêtes de poussières dans l’Amérique de la grande dépression, le «Dust Bowl».

Gros coup de cœur pour ce roman graphique aussi remarquablement écrit que dessiné.

John Clark, jeune journaliste de 22 ans, est engagé par un organisme gouvernemental pour faire connaître la situation dramatique des fermiers du Dust Bowl , zone entre l’Oklahoma, le Texas et le Kansas frappée par des années de sécheresse et de tempêtes de sable qui envahit tout et qui détruit leurs récoltes. Au début, il rencontre beaucoup de méfiance et de rejet. Aidé par une jeune femme, il rencontre des familles attachantes, brisées, malades, réduites à la misère, souvent obligées de fuir vers la Californie. Ces rencontres vont bouleverser sa vie, le faire grandir et remettre en cause son travail de photographe.

En associant de véritables photos d’époque, avec un dessin aux décors très réalistes tout en camaïeu d’ocre et de grandes cases immersives, Aimée de Jongh parvient à redonner vie à cette période tragique et lui donne un souffle incroyable.

Un récit poignant et authentique dont on ne ressort pas indemne.

Voir une planche
Voir le trailer

 

 

Ours todd stanton ours 2est un chien d'aveugle qui ferait n'importe quoi pour son maître et meilleur ami, Patrick.
Mais lorsqu'Ours perd soudainement la vue, il s'inquiète pour sa raison de vivre, protéger Patrick. Il suit alors les conseils malavisés de ratons laveurs et s'embarque dans un voyage à la recherche de solutions pour recouvrer la vue.

J'ai trahi mon âme....

 

QUELQUUN A QUI PARLER1Que diriez-vous à l'enfant que vous étiez pour qu'il vous pardonne d'avoir abandonné ses rêves ?

Avec son trait toujours aussi expressif et ses pleines pages sans texte, Grégory Panaccione, le dessinateur d'Un Océan d'amour, nous offre une histoire pleine de justesse, de tendresse et d'humour sur l'enfant qui demeure en nous. Quelqu'un à qui parler, adaptation du roman éponyme de Cyril Massarotto, est une jolie réussite qui parle à chacun de nous !

Le jour de ses 35 ans, le moral de Samuel n'est pas au beau fixe. Il n'a personne avec qui le fêter. Comme chaque année il appelle son ex qui l'a quitté, lasse de son manque d'ambition et de son immaturité, et qui l'envoie balader. Il n'a personne d'autre à qui parler, alors il s’amuse à appeler le seul numéro qu’il connaît par cœur, celui de sa maison d’enfance. Quelle surprise quand un petit garçon lui répond et qu'il découvre qu'il n'est autre que lui-même à l'âge de 10 ans !...

Comme à son habitude, Panaccione traite avec légèreté des sujets qui ne le sont pas vraiment. Oscillant entre nostalgie, tristesse et joie, il nous interroge sur nos rêves d'enfants, nos ambitions et ce qu'il en reste à l'âge adulte. Ce dialogue va permettre à l'adulte de se remettre en question et d'avancer.

On retrouve son savoir-faire en matière de mise en scène et d’expressivité, rendant ses personnages tellement vivants, tout en laissant beaucoup de place aux pages muettes. Son dessin transpire de tendresse, d'émotion et d'humour.

Un peu de philosophie, d’humour, de tendresse, de poésie, de romantisme, de bonne humeur, que cet album fait du bien ! Gardez bien dans un coin de votre tête vos rêves d'enfant ! L'album a reçu le Prix Landerneau BD 2021

Voir une planche

Disparition inquiétante dans les Pouilles.

ETE SANS RETOUR Dans L’été sans retour, l’auteur belge Giuseppe Santoliquido plonge dans ses racines italiennes et signe un roman envoûtant.
Par le biais d’une histoire de disparition d’enfant inspiré d’un fait divers, il montre tout son amour pour cette terre.

Une jeune adolescente disparaît dans un village du sud de l’Italie complètement isolé et hors du temps. Rapidement la télé va s’emparer de cette tragédie pour en faire un événement de téléréalité suivi par le pays tout entier. Un jeune homme, bafoué par le village à l’époque des faits, revient sur les lieux des années plus tard et s’autorise à raconter cet épisode douloureux qui a bouleversé sa vie et celle de toute une région…

Un très beau roman, à la construction originale, captivant et passionnant parce qu’on est plongé dans la vie de villageois traversés par l’angoisse et la révolte, si proches et pourtant dévorés par les jalousies et les haines, et où les monstres vont se dévoiler… Il pose question sur notre regard face à la télé qui va mettre en scène la douleur d’une famille et abuser, de façon odieuse, de son intimité : où met-on les limites de l’indécence, jusqu’où va notre besoin de révélations, …

L’écriture simple, très imagée, très sensuelle, offre une jolie peinture de ce coin d’Italie, illustre parfaitement l’ambiance lourde qui émane d’un village figé et restitue de belle manière cette terre, ses odeurs, ses lumières, sa chaleur, sa dureté.

Un voisin presque idéal...

La L AMIvie de Thierry s’effondre quand il apprend que son voisin et ami se révèle être un tueur en série...
Après l’étonnant Roissy, Tiffany Tavernier nous offre avec L’ami une lecture touchante et fascinante en nous plongeant dans les abîmes d’un homme qui tombe.

 Un matin, Thierry et sa femme voient la maison d’à côté encerclée par le GIGN : leurs voisins si charmants, avec lesquels ils entretenaient une amitié sincère, sont arrêtés car le mari est soupçonné de meurtre. Leurs vies vont en être bouleversées.

Tiffany Tavernier étudie l’impact d’une révélation abominable sur un couple soudainement confronté au mal. Comment un fait divers monstrueux fait violence dans la vie d’un couple, qu’est-ce que ça laisse à l’intérieur de chacun, comment reconstruire une vie quand tout s’écroule…? Comment n’ont-ils pu rien voir ?
L’auteure s’intéresse non pas à l’enquête, mais à tout ce que ça va révéler chez cet homme et de son couple: ses blessures, ses secrets, ses silences, ses certitudes, la muraille qu’il a dressée, tout ce qu’il n’a jamais voulu voir…

Beau portait d’un homme brisé, très fin, avec une écriture qui va à l’essentiel et des mots qui sonnent justes.

Rêve et aventures mêlés...

les filles montent 120Timoti est un jeune garçon rêveur et solitaire, vivant avec un père qui ne répond jamais à ses questions. Lorsqu’une fille, qui n’a peur de rien (ou presque !), fait irruption, Timoti la suit, même si ça ne lui ressemble pas de partir à l’aventure...

Ce roman Les filles montent pas si haut d'habitude d’Alice Butaud raconte la vie, si différentes, de deux enfants qui vont se rapprocher grâce à l’énergie de la jeune fille.

Les dessins de François Ravard, illustrateur de nombreuses bandes dessinées, collent merveilleusement bien au texte tout en aérant la mise en page. Bien écrit, le texte est également tour à tour drôle et émouvant.

Un très bon roman pour les enfants dès 8 ou 9 ans.